mercredi 1 avril 2015

CINEMA : Femmes en guerre et pellicules (mots-clés : cinéma, téléfilm, guerre, RAD, malgré elles, drôle de guerre, Micheline Presle)


Autant les Américains et les Britanniques ont su mettre en avant, en bien ou en mal, tant sur le ton dramatique que comique, les femmes en temps de guerre ou en uniforme des deux guerres mondiales (voir le livre d'Yvonne Tasker, Soldiers' Stories: Military Women in Cinema and Television since World War II), autant les Français peinent à réaliser des films ou téléfilms sérieux sur ces sujets. C'est regrettable mais la déception est presque toujours au rendez-vous. La cause, une méconnaissance flagrante des thèmes abordés et le peu d'intérêt marqué par les chaînes de télévision et les quelques producteurs un peu curieux. Ces rôles prennent généralement une place secondaire et quand ils représentent le sujet principal ils s'éloignent inexorablement de la réalité pour des fictions parfois franchement ridicules.



Nous passerons sur Babette s'en va-t-en guerre de Christian-Jacque (1957) ; Lucie Aubrac, de Claude Berri (1997) ; La Chambre des officiers, de François Dupeyron (2001) ; Les Femmes de l'ombre, de Jean-Paul Salomé (2008), etc., pour nous arrêter sur deux morceaux de pellicule, l'un pour le cinéma, Elles étaient 12 femmes, sorti en 1940, et l'autre pour la télévision, Malgré elles, diffusé en 2012.




Elles étaient douze femmes

Le film d’Yves Mirande (scénario-dialogue) et Georges Lacombe (réalisation), Elles étaient douze femmes, sorti le 17 avril 1940, conte, dans le genre de la comédie dramatique à la française, l’histoire imaginaire de l’une de ces œuvres d'entraide fondées pendant la Drôle de guerre :

«au début de la guerre, quelques dames des plus huppées imaginent, lors d'une descente à l'abri, de fonder une œuvre pour les soldats sans famille. À cette occasion, elles décident d'entrer en relation avec la riche madame Marion, qui n'est pas de leur monde et a mené une vie légère. Cancans, potins, mesquineries, brouilles vont se succéder. » (Wikipédia)

Bien qu'il s'agisse d'une fiction c'est un témoignage visuel et vivant d’un état d’esprit à jamais disparu avec la défaite. On y retrouve en tête d'affiche la toute jeune Micheline Presle qui n'en est pas à son premier rôle au cinéma puisqu'elle a fait ses classes en 1937 dans La Fessée de Pierre Caron. Notons aussi la présence de Gaby Morlay (madame Marion), Françoise Rosay, Marion Delbo, Simone Renant, etc. René Chateau a eu la merveilleuse idée d'éditer un DVD de ce film en 2013.



Malgré elles

Dirigé par Denis Malleval, réalisateur de deux épisodes de Joséphine ange gardien (Pour l'amour d'un ange et La Tête dans les étoiles) et écrit par Nina Barbier (documentariste) et Barbara Grinberg (scénariste), Malgré Elles, réalisé en 2012, relate l'histoire de deux jeunes Alsaciennes de 17 ans, Alice et Lisette enrôlées de force par le service du travail féminin du Reich (Reichsarbeitsdienst der weiblichen jugend ou RADwJ.). L'une frondeuse, l'autre soumise.

Après six mois dans un camp du RADwJ., où elles reçoivent une formation nationale-socialiste brutale, du moins pour celles qui refusent de s'y soumettre, elles sont affectées dans une usine d'armement comme auxiliaires de guerre (Kriegshilfdienst des Reichsarbeitdienst/KHD) pour une durée obligatoire de 6 mois. Leur tâche... remplir des obus. A ce sujet, l'atelier ressemble plus à l'arrière boutique d'une quincaillerie qu'à une usine d'armement, mais passons. Une explosion survient et aussitôt les autorités se tournent vers les deux jeunes Alsaciennes, victimes toutes trouvées aussitôt suspectées de sabotage. On les menace alors de les envoyer dans un camp de redressement. Mais pire encore les deux jeunes filles sont expédiées dans un lebensborn. 

Malgré elles est un téléfilm d'un tel manichéisme que les rapports humains frisent le ridicule. Les Allemandes s'apparentent à des chiennes de garde et les Alsaciennes à de petits moutons terrorisés par ces cerbères bipèdes. Les admirateurs de la déplorable série américaine Papa schultz (1965-1971) seront déçus, car « l'humour en noir et blanc» n'a pas de raison d'être ici, malheureusement. Quant au final façon Papy fait de la résistance ou La Chute, "les années ont passé revenons sur notre vécu"... Sans commentaire. L'excès dans cette peinture sans épaisseur, ni contraste, ne rend nullement justice aux Malgré elles, au contraire. Le jeu de l'excellente actrice qu'est Flore Bonaventura et des autres noms du casting (Macha Méril, Louise Herrero, etc.) est fade et sans saveur et n'arrive pas à relever un niveau déjà bien bas. Nombre de situations, surtout la partie relative au lebensborn, sont de l'ordre du pur fantasme. Comme nous pouvons le lire sur le site wikipédia cette improbable situation a provoqué une polémique bien légitime :

« Le 9 octobre 2012, la chaîne de télévision France 3 diffuse en première partie de soirée un téléfilm de fiction réalisé par Denis Malleval intitulé Les Malgré-elles qui associe deux thèmes qui n’ont aucun rapport : l’incorporation de force et les Lebensborn.
La documentariste Nina Barbier à l’origine du documentaire de 2009 explique que « Pour des raisons d’évolution dramatique du récit, Alice et Lisette atterrissent là. C’est cohérent dans le film, mais contraire à la vérité historique. Je me suis battue contre la production et la chaîne, qui tenaient absolument à mélanger les deux faits. Les pouponnières de SS-Kinder n’ont rien à voir avec l’Alsace : elles ont été créées en Allemagne pour des Allemandes ! ».
Hélène Delale, la productrice qui a proposé le sujet à France 3, reconnaît : « L’argument de départ était de raconter la vie de ces très jeunes Alsaciennes, enrôlées dans l’effort de guerre allemand. Mais il y a malheureusement eu ce rapprochement parce que France Télévisions trouvait que le sujet des « malgré-elles » ressemblait trop à un récit de STO, et manquait de dramatisation et de rebondissements pour un téléfilm de 90 minutes. On a donc eu l’idée de mélanger deux histoires qui, historiquement, n’ont effectivement rien à voir ». » (wikipédia)

Voilà, ite missa est.

Note : Malgré elles est sorti en DVD en 2013.

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