mercredi 19 septembre 2012

Approche : Mauvais genre ?



La Ballade de la confusion des genres de Lucie Delarue-Mardrus est une savoureuse introduction au petit post qui suit.

(Temps présents, Les cahiers d'art et d'amitié, Paris, 1939) 




La notion de gender (ou encore de genre en français), entendez par là le sexe socialement et politiquement créé, c'est conjuguée en quelques années à l'histoire militaire des femmes, voire à l'histoire militaire tout court.

Jeunesse, hebdomadaire des jeunesses socialistes, numéro 58, jeudi 22 novembre 1945


Pour l'histoire militaire des femmes, il serait plus juste de dire qu'il y eut, du moins aux 18e et 19e siècles, non une confusion de genre (des genres), mais une volonté de confusion pour des femmes qui dans des cas bien particuliers se travestirent en hommes pour combattre aux côtés de ces derniers, alors qu'elles n'en avaient pas le droit, sans pour autant trahir leur sexe ou le rejeter. Au 20e siècle, avec l'évolution de la société et des moeurs, la confusion est autre puisque liée à la toute fraiche présence de la gente féminine sous l'uniforme, entrainant confusion, doute ou méprise. Les illustrateurs satiriques ne manqueront pas d'y aller de leurs plumes et de leurs pinceaux pour donner vie aux fantasmes du moment.

Cartes postales de la Libération. (Coll. privée)


Notion éminemment politique, le gender est un cheval de Troie tout à la fois social et politique qui pense pouvoir se pacser à toutes les sauces, confrontant mâles et femelles dans une guerre larvée des sexes. Revenant aux origines premières et bibliques de l'homme, le gender est comme un déni d'existence, une vision tronquée et nihiliste de soi et de la fin dernière de l'homme et de sa nature même. L'école du gender s'est emparée de la femme en uniforme et l'utilise comme une arme alors que les aspirations des "anciennes" étaient à des années lumière de ce drôle de genre. Mauvais genre ?

Adrien Peral


Ce texte est avant tout un aiguillon pour vous faire réagir et entamer le débat sur genre et femmes militaires à vos plumes.

"L'actu d'antan" : septembre 1944, le premier Français entré en Allemagne est une française

Le Figaro, numéro 31, 24-25 septembre 1944

Nous compléterons bientôt l'actu sur cette Française dont le vrai nom est Colette Scwob de Lure.

samedi 15 septembre 2012

Image : Fatima l'une des rares combattantes de l'armée française de la Grande Guerre (Mots-clés : Fatima, spahis, amazones, Première guerre mondiale)


Il faut remonter aux origines de la création du corps des spahis pour trouver une particularité de recrutement. Vers 1840, le spahi vit avec sa famille hors des quartiers (casernes) de cavalerie, sur des terres plus ou moins éloignées. Il ne rejoint son corps qu'en cas d'opération militaire. Mais cette possibilité ne dure pas, leur vie quotidienne s'établit alors dans les quartiers prévus à cet effet, tandis que leurs familles ne sont plus autorisées à les suivre lors des déplacements.

Fatima se trouve à droite du cliché, sur le cheval à robe claire. Elle porte le turban. Image tirée du Miroir numéro 81 du dimanche 13 juin 1915. 


C'est en rassemblant quelques escadrons auxiliaires de spahis Marocains que fut formé, en août 1914, le régiment de marche de chasseurs indigènes à cheval. Celui-ci prit le nom de régiment de marche de spahis marocains en 1915, nom qu'il conserve jusqu'en 1920. En France, ce régiment participe à la bataille de la Marne et se trouve engagé dans "la course à la mer" de décembre 1914, puis envoyé en Macédoine au sein de l'armée d'Orient. Il y est félicité pour le fameux raid sur Uskub (Skopje en langue slave) de septembre 1918 qui empêche le repli d'une partie de l’armée allemande venue aider Bulgares et Turcs.


Pendant la Grande Guerre, une femme d'Afrique du Nord se prénommant Fatima sert dans un régiment de marche de spahis Marocains. Déguisée en homme, en toute illégalité, afin de suivre son amant (un lieutenant), elle s'introduit dans un transport de troupes à destination de la France. Dans l’ouvrage Un homme d’aventures, tome 1 d’Henri Dupertuis, l’auteur mentionne ce fait rapporté par son père le général Dupertuis (alors lieutenant-colonel du régiment concerné). Malgré son déguisement et, certainement, la complicité d'autres spahis, elle est découverte à son arrivée en métropole. Qu'à cela ne tienne, elle n'est pas renvoyée en Afrique du Nord et se voit autorisée à demeurer avec les spahis le temps de leur séjour en métropole. Elle participe aux combats contre les Allemands, mais lorsque son régiment prend la direction de l'Orient, en 1918, elle rentre vraisemblablement au Maroc.


La photo de Fatima à cheval se situe au cours de la "course à la mer", fin 1914, lorsque, après la stabilisation du front, les spahis furent employés comme escorte des prisonniers Allemands ou pour le convoyage du ravitaillement.

Auteur : Alain Chiron* (adaptation et corrections de Frédéric Pineau)


*Alain Chiron est chroniqueur sur le site internet “Ceux de 14- Maurice Genevoix. Son texte est composé à partir d’informations fournies par le Musée des Spahis à Senlis (à qui appartient la photographie) et par ailleurs d’un échange avec Thierry Moné auteur du livre Du Burnous rouge au burnous bleu : les spahis du 1er Marocains dans la Grande Guerre.



jeudi 13 septembre 2012

Approche : Les légions d'amazones du siège et de la Commune de Paris, 1870-1871 (suite) (Mots-clés : amazones, guerre)

Voici un complément au post sur les légions d'amazones du Siège et de la Commune de Paris (voir post du mois de mai).

Un court passage tiré de l'ouvrage de Jules Rouquette, Histoire de la Commune révolutionnaire (Librairie des villes et des campagnes, 1871), apporte de précieux renseignements sur la compagnie de  citoyennes volontaires de la 12e légion de la garde nationale de Paris :

"une légion de citoyennes avait été formée et Gambon, membre de la Commune, les mena à l'Hôtel de Ville le 15 mai. Le Vengeur indiquait dans les lignes suivantes le but de cette organisation :

"Le colonel de la 12e légion, le citoyen Jules Montel, forme une première compagnie de citoyennes volontaires qui marcheront à l'ennemi avec la légion. Afin de stimuler l'amour-propre des lâches, tous les réfractaires seront désarmés publiquement devant le front de leur bataillon, et conduits en prison par les citoyennes volontaires. La première exécution de ce genre aura lieu prochainement avenue Daumesnil"".

Montrer l'exemple aux hommes, c'est dans cette même logique que fut créé le Bataillon de la mort de Maria Botchkareva en mai 1917 (voir le post : La Russie s'invite). Dans un cas comme dans l'autre,  ces unités suscitent de la curiosité et se montrent exemplaires au front, mais elles génèrent aussi de la méfiance et une haine non dissimulée. Pour preuve, Jules Rouquette clos son chapitre  en ces termes : " L'audace chez la femme, quoi qu'en aient pu dire les journaux de l'époque, est, en effet, toujours mêlée d'impudeur !".

Auteur : Frédéric Pineau

La Russie s'invite : Complément sur le 1er bataillon de la mort (Mots-clés : Maria Botchkareva, Russie, amazones, Yashka, Première guerre mondiale)


Le 1er bataillon de la mort, formé à Petrograd, comprend 2000 femmes, commandées par Maria Botchkareva (Yashka), à sa création en mai 1917, mais il est amputé de pas moins de 1700 volontaires favorables aux comités de soldats le même mois. En juin 1917, le bataillon ne représente plus que 300 femmes. Un mois plus tard, le premier engagement se solde par de lourdes pertes : 100 mortes et blessées.

Lors du départ de Maria Botchkareva pour les USA, le "bataillon" a fondu, et seules 30 volontaires demeurent. Le parcours du bataillon fut le suivant : de Petrograd, en mai 1917, à Molodechno (1er CA sibérien, 10e armée), puis Redki, enfin Beloye où il stationne. Affecté à la 172e DI puis à Senki dans le 525e RI : 1er combat à Senki le 8 juillet 1917 (aux environs de Smorgon et Knevo).
Très médiatisé à l'époque, ce bataillon féminin ne fut pas unique. Il y eut un bataillon de 1500 femmes à Moscou, un bataillon de femmes matelotes commandé par Eudoxie Skvortzova, etc.

L'effectif des femmes enrégimentées est donc bien supérieur au chiffre avancé dans le précédent post. Plus de 4000 femmes ont servi dans des bataillons féminins. Par ailleurs, les engagements individuels de femmes ou de jeunes femmes sous les drapeaux sont nombreux : Cokovtseva (décorée de la Croix de Saint-George en 1915), princesse Kati Dadechkeliani (régiment Tatare de la division sauvage), Tatiana Kakourine (90e régiment d'infanterie), Maria Botchkareva (25e bataillon de réserve de Tomsk), etc.

Auteur : Frédéric Pineau

vendredi 7 septembre 2012

La Russie s'invite : Réflexion sur la participation de femmes au combat dans les armées alliées de la Première Guerre mondiale à partir de Yashka, journal d’une femme combattante. (Mots-clés : Première guerre mondiale, Russie)


Dans l’introduction de Yashka, journal d’une femme combattante Stéphane Audoin-Rouzeau et Nicolas Werth nous disent que dans l’armée britannique des femmes engagées comme auxiliaires portèrent l’uniforme et un très petit nombre d’entre elles se retrouvèrent de façon inattendue à se servir de leur arme. Le cas le plus avéré fut celui de Flora Sandes infirmière volontaire dans l’armée serbe qui combattit les Autrichiens lors de la retraite de ces forces slaves à l’automne 1915. Elle fut la seule femme gradée de l’armée anglaise qu’elle quitta en 1922 comme sergent-major.


Yashka, journal d’une femme combattante est le fruit d’une série d’entretiens donnés par une engagée russe à un journaliste américain au printemps 1918 ; l’ouvrage sort aux USA début 1919 et connaît une traduction en français quatre ans plus tard sous le titre de Yashka, ma vie de soldat : souvenirs de la Guerre, de la Révolution et de la Terreur en Russie (1914-1918). La narratrice est Maria Botchkareva dont le nom de guerre est Yashka. Contrairement à ce que dit l’éditeur elle n’était pas illettrée car elle nous confie son goût pour les romans feuilletons et on voit mal l’armée russe attribuer le grade de capitaine à une analphabète ; par contre sa maîtrise de l’écrit de la langue russe était fort sommaire du fait d'une sa scolarisation se limitant à deux ou trois années. L’héroïne a vécu une enfance rurale dans des conditions économiques difficiles. Elle a eu deux maris qui l’ont maltraitée. Au moment de la déclaration de la guerre, elle séjourne en Sibérie où elle a choisi de suivre son mari exilé pour avoir uniquement caché un révolutionnaire. Si elle s’engage c’est en partie pour se donner personnellement une justification à son désir de quitter son second mari (ses convictions religieuses s’opposaient à l’abandonner), mais aussi parce que mue par une foi patriotique qui va bientôt lui faire désirer de montrer aux hommes, au moral vite assez bas, comment une femme sait relever les obstacles rencontrés. L’ouvrage, au-delà d’un parcours individuel, montre bien l’évolution de l’état d’esprit des troupes russes et en particulier le fait qu’elles se pensent trahies par une partie de leurs officiers supérieurs (et systématiquement par tous les supérieurs au nom d’origine germanique, qui étaient relativement nombreux) ainsi que par une partie des fonctionnaires et membres du gouvernement. 



Les actions habiles de propagande des Allemands sont bien évoquées et elles réussissent partiellement du fait des très mauvaises conditions de vie et des mépris respectifs entre les soldats et leurs officiers. Après avoir vaincu, grâce à sa force impressionnante, les difficultés et dangers rencontrées à l’instruction et sur le front, elle se voit confié après l’éclatement de la première révolution un bataillon de femmes (qui ne connaît qu’un seul engagement en juillet 1917 à Smorgon en Biélorussie) sur lequel elle fait régner non seulement une discipline très rigoureuse mais où elle interdit aussi tout comité de soldat et toute relation rapprochée avec un homme. En mars 1918, Yashka quitte la Russie pour une tournée de propagande en Amérique au profit des armées blanches, de retour à la fin de la même année elle est arrêtée par la Tcheka en décembre 1919 et meurt d’une balle dans la nuque à la mi-mai 1920 après la tenue de son procès pour activités contre-révolutionnaires. En France, des articles parus dans les journaux comme L’Illustration ou pour la jeunesse, ont été consacrés aux combattantes Russes  durant la période se situant entre les deux révolutions russes (où on prend conscience d’un risque de retrait de la Russie du conflit). Ainsi, en septembre 1917, dans le numéro 144 des Trois Couleurs, au public enfantin, une histoire en images évoque le bataillon de la mort de Yashka. Le discours tenu est que les femmes Russes ont pris les armes car « les hommes en pleine guerre faisaient de la politique et s’arrêtaient de combattre et heurter l’ennemi » et que les Allemands sont « ahuris de trouver là des femmes, ils crurent que c’était des démons ». Dès le début du conflit, les Russes ont été présentés comme ceux qui allaient faire payer aux Allemands leurs crimes sur le front occidental ; "êtres frustres" les Slaves orientaux sont mis sur le même plan que les populations de couleurs dans un rôle de bourreau pratiquant des exactions auxquelles le soldat français se refuse auprès des nouveaux sauvages que sont devenus les troupes germaniques. C’est pourquoi, les journalistes français ne voient pas la contradiction entre le fait d’interdire aux Françaises (appartenant pleinement au monde civilisé) l’engagement au combat et d’encenser les exploits d’amazones d’un pays moins évolué et connu à travers les Cosaques pour sa violence guerrière. Le nombre de femmes Russes ayant revêtu l’uniforme pour combattre les troupes germaniques est évalué à près d’un millier, les autorités civiles et militaires tzaristes ont accepté les engagements féminins car une certaine tradition existait dans ce domaine. Ainsi Tatiana Markina commande une unité cosaque féminine à l’époque de Catherine II et Nadejda Dourova combat les troupes napoléoniennes notamment à la bataille de Borodino (dite aussi de la Moskova). L’armée américaine s’intéressa fortement au contenu de l’ouvrage de Maria Botchkareva quand elle réfléchit à ouvrir le recrutement de ses soldats aux femmes.

Cet article d’Alain CHIRON est paru une première fois sur le site internet “ceux de 14 –Maurice Genevoix“.

Maria Botchkareva. Yashka, journal d’une femme combattante. Armand Colin, 2012. 19,50 euros. ISBN 978-2-200-27516-7.

Avec l'aimable autorisation de monsieur Alain Chiron

mardi 4 septembre 2012

Livre : Les SSA romancées ! (Mots-clés : conductrice, SSA, 1940, Edmée Nicolle)


La Soldate de Jean Damase est paru aux éditions Fasquelle en 1943. Il relate, au travers d'une jeune fille, l'épopée des non moins célèbres Sections sanitaires automobiles féminines (SSA) d'Edmée Nicolle

Mais, qui mieux que Jean Damase pour présenter le contenu de ce roman qui n'en est pas vraiment un : "Ce livre n'est pas un roman. Il emprunte ses scènes aux actes réellement accomplis par des femmes et des jeunes filles durant la guerre de 1940. Mais il est inutile de chercher des noms sur les visages ; j'ai brouillé à plaisir les "patronymes" et les personnalités pour éviter des interprétations singulières. Certains faits de guerre, même, prêtés ici à l'une des sections, ont été accomplis par l'autre. L'occasion était rare d'étudier des femmes Françaises dans un tel climat. Les ayant vues, je n'ai pu que leur rendre le présent hommage." Une parfaite occasion pour dépeindre la vie au quotidien de ces intrépides conductrices de la SSA. Le seul nom que l'auteur n'a modifié est celui d'Edmée Nicolle. Jean Damase en brosse d'ailleurs un portrait fidèle. Cette demoiselle dont  "cent filles prononçaient le nom avec une religiosité fervente", était "mince et droite sous ses cheveux à peine grisonnants ! grave, dans son visage triangulaire, et douce malgré ses yeux gris d'acier." On reconnait aussi au fil des pages et descriptions des membres de l'état-major comme Jeanne Reynaud, Marie-Louise de Tocqueville ou Claude de Peyerimhoff.
SSA de Bar-le-Duc en juin 1940


L'auteur a cherché à brouiller les pistes, comme le voulait Edmée Nicolle à l'époque, afin que le travail effectué par les conductrices se fasse d'une manière commune et non individuelle, mais surtout anonyme. Malgré ce léger handicap, l'ouvrage est à lire pour ceux qui s'intéressent au sujet ou qui n'auraient pas eu la chance de connaitre ces femmes formidables.

lundi 3 septembre 2012

Livre : Les Françaises sous l'uniforme, Frédéric Pineau (Mots-clés : uniforme, insigne, AFAT, SFF, FFA)


Projet de couverture non retenu.
En 2006 sortait le livre Les Femmes au service de la France, aux éditions H&C, qui se consacrait aux Françaises engagées dans la défense nationale de 1919 jusqu'à la défaite de juin 1940. Le premier tome abordait dans ses moindres détails (historique, organisation, uniformes, insignes) le personnel de la Croix-Rouge française non encore unifiée (SSBM, UFF, ADF). Nous pouvions y découvrir les structures de la CRF en 1939-1940, les IPSA, les infirmières Z, les SSA, etc.

Projet de couverture non retenu.
Couverture définitive.

Le second tome (1919-juin 1940 : les femmes des organisations non CRF) bien que prêt ne sortira pas tout de suite, il laisse la place à une nouvelle série, Les Françaises sous l'uniforme, qui marque la suite logique des deux premiers tomes. Cette nouvelle série, en deux tomes, aborde la période allant de juin 1940 à 1945/1947 environ. Outre l'auteur (Frédéric Pineau) de la précédente série, une historienne des femmes et du genre, des passionnés et une ethnologue ont participé à leur réalisation. Un beau travail, merveilleusement illustré et documenté dont la sortie est prévue en 2013 pour le premier tome, mais nous vous tiendrons au courant.